Loin d’être overBookée

Publié le par lpjs-nancy.over-blog.com

Avec l’annonce de la mise en place, début 2010, de la librairie numérique de Google, suivi de quelques jours par le lancement mondial du Kindle d’Amazon, le développement du marché du livre numérique s’annonce exponentiel. Pourtant à l’instar de Nancy, l’eBook est encore loin de remporter tous les suffrages en France.


« Où est le plaisir tactile, l’odeur, l’affectif ? », s'interroge Vanessa, 26 ans. La jeune femme, vendeuse chez France Loisirs à Nancy, mais lectrice avant tout, est perplexe quand on lui décrit un eBook. L’objet lui semble « impersonnel » et surtout « pas du tout confortable ». Elle conçoit que l’eBook puisse avoir des avantages, mais « pour les voyageurs », pas pour les « amoureux de la lecture ». Et ce n’est qu’un des « défauts »  du livre électronique, que l’on évoque depuis son arrivée en France, il y a déjà un an. Lundi 19 octobre dernier, Amazon officialisait le lancement sur le marché de sa liseuse, le Kindle. Celui-ci, déjà commercialisé aux Etats-Unis depuis un an faisait seulement son entrée internationale, dans une centaine de pays, dont la France. Quelques jours avant, Google Editions annonçait l’arrivée de sa librairie numérique en ligne pour début 2010. Près de 500 000 ouvrages dans plusieurs dizaines de langues, et compatibles avec la plupart des liseuses, seront disponibles dès le lancement. Ironie ou véritable vision d’avenir pour le livre ? L’annonce a été faite à Francfort, au Salon du livre, toujours en papier, et sûrement pour encore un bon moment en France.

Un premier constat s’impose. Le Kindle n’est, par exemple, pas commercialisé par le leader de la distribution de produits culturels et de loisirs en France, à savoir la Fnac. Même si la vente de liseuses a plutôt bien marché. Depuis novembre 2008, date de leur arrivée en France, la chaîne de magasins en a vendu près de 10 000 et 40 000 livres électroniques. Seulement voilà, le Kindle permet d’accéder « uniquement à des ouvrages en anglais » nous explique Olivier, 35 ans et vendeur à la Fnac de Nancy. Et on connaît la réputation des Français pour leur pratique de la langue d’outre Manche.

« Lire, un effort »


Toujours dans la même enseigne, deux types de liseuses sont actuellement proposés. Prenons un exemple avec le moins cher des deux appareils : le Cybook Opus de Booken. Une capacité de 1000 livres (75 sont offerts, dont là encore, 44 en anglais…), des caractéristiques dans la moyenne du marché, 249 €. « L’obstacle au développement de l’eBook, c’est avant tout son prix » confie Olivier. Et c’est encore sans compter, la housse de protection (environ 50€ seule, 40€ avec la liseuse) – oui mais en cuir - toujours utile de protéger un tel investissement. Comptez donc environ 300€. Il faut encore rajouter le prix des livres en format numérique. C’est un plus cette fois, ceux-ci sont 15 à 20% moins cher que les versions papier, mais le vendeur n’est pas dupe, cela reste « un maigre avantage ».

    Parce que vient ensuite la question du confort de lecture et là, Olivier, de la Fnac, avoue « honnêtement » préférer l’ancêtre. Pas pratique de lire un livre sur un écran de 5 pouces (en diagonale d’écran, soit environ 12,5 cm). C’est sûr, « la liseuse ressemblera à terme à un véritable bouquin, mais c’est encore loin d’être le cas ». Les journaux sous forme de feuille électronique ont déjà fait les frais du confort de lecture il y a quelques temps. Du côté de France Loisirs, on n’a pas encore envisagé le passage au format numérique. Vanessa, vendeuse de l’enseigne, examine interloquée la photo d’un eBook : « c’est une façon de concevoir la lecture… mais sans charme ». Sans parler de « la disparition du support, lien entre le commerçant et le client ». Même son de cloche dans la librairie A la Sorbonne, où son responsable, Nicolas, 39 ans, rappelle : « lire nécessite un effort, un livre ne se consomme pas comme un CD, que l’on met et laisse jouer ». Deux objets si différents mais désormais si proches…
                                                            

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Un exemple d’eBook : le Cybook Opus de Booken.


Remake…

La numérisation du livre soulève les mêmes problèmes que la numérisation de la musique. Les éditeurs cherchent le moyen de protéger le livre, en lui assignant une empreinte digitale, équivalente du DRM (Digital Rights Management) : les droits d’auteurs des CDs. Mais la bonne solution est loin d’être trouvée. Selon lemonde.fr, le 15 septembre, un quart d’heure après sa mise en vente en ligne, le nouveau Dan Brown, The Lost Symbol était déjà cracké (piraté). L’info mise sur Twitter, le livre a été téléchargé plus de 40 000 fois en deux jours. Pas facile de trouver un bon compromis pour la rémunération des auteurs. Un autre problème est celui du rôle des libraires.  Pourquoi un client viendrait acheter son livre sur une borne en librairie, quand il peut le faire chez lui, depuis son ordinateur ? « Techniquement ce serait ridicule » répond le responsable d’A la Sorbonne, « ce sont encore les éditeurs qui vont empocher ».

Pourtant le libraire reste calme, comme la majorité de ses confrères selon lui. A part les documents techniques ou universitaires pour lesquels l’eBook « pourrait se justifier pour des raisons pratiques » pour le responsable d’A la Sorbonne, la littérature sur papier lui semble avoir encore de belles années devant elle. La France aime son confort. Le libraire nous confie que les premières applications numériques pourraient se faire dès 2010, mais pour les manuels scolaires. Ce sera sûrement un moins dans le chiffre d’affaire, mais selon Nicolas, les parents d’élèves « ne s’y feront pas tout de suite et continueront à venir demander conseil au libraire » et donc à acheter chez lui. Vanessa de France Loisirs, elle, y verrait une grande utilité. Elle imagine, le sourire aux lèvres, que l’on pourrait même, d’ici quelques années « donner aux élèves des eBooks comme on leur donne  aujourd’hui des clés USB » pour habituer les enfants à l’informatique et « alléger les cartables ». Avant de rajouter, un peu blasée « de toute façon en France, il y aura toujours des gens contre ».

 

Nicolas Brédard

Pour s'y retrouver:

eBook : Electronic Book (livre électronique). Peut désigner le lecteur ou l’ouvrage numérisé.
liseuse : lecteur de livres électroniques. (aussit dit : livrel, bouquineur,…)
livre électronique : ouvrage numérisé.

Publié dans Culture

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